L’objectif de ce site n’est pas de produire une histoire apologétique de la médecine et des sciences biomédicales, qui servirait exclusivement à glorifier le présent en cherchant dans le passé les héroïques précurseurs qui l’ont préparé.
Cette histoire de la médecine et des sciences biomédicales se veut critique. Non pas critique, au nom d’une idéologie anti-scientifique, anti-moderniste et anti-médicale, mais critique pour obliger à réfléchir, pour inciter à penser la science et la médecine, pour cesser d’être dans l’automatisme de la pensée . Il s’agit, en se plongeant dans les discours scientifiques et les pratiques médicales passés de réintroduire une distance réflexive vis-à-vis de l’évidence du discours scientifique et des pratiques médicales d’aujourd’hui.
Une science et une médecine amnésiques, toute dans l’instantanéité du présent scientifique, n’a pas le regard large, le recul conféré par l’histoire sur les dérives et impasses du passé. L’histoire apologétique et « héroïque » tend à extraire les théories scientifiques passées de leur contexte social, culturel et politique, pour construire une histoire « pure » et désincarnée. Cette histoire « pure » ignore de larges pans de sa propre histoire, et généralement pas les plus glorieux. Débarrassée de ses scories et de ses chapitres les plus gênants , l’histoire de la médecine ainsi conçue sert à légitimer une certaine idéologie de la science et de la médecine: la science ne se trompe pas, la « bonne science » serait intrinsèquement éthique et la « bonne science » serait forcément du côté de la « bonne politique ». En somme, cela revient à dire que la science et la médecine n’auraient pas besoin de guides autres qu’elles-mêmes car elles seraient porteuses de leur propre sagesse. Mais est-ce le cas? L’histoire confirme-t-elle cette union permanente de la médecine et de la plus haute morale, de la science et de la démocratie?
Sans tomber dans l’excès inverse et le revanchisme anti-science, il convient donc de prendre connaissance de certains des chapitres de l’histoire de la médecine ou des sciences biomédicales qui posent problème sur le plan de l’éthique médicale et forcent à s’interroger. Ce sera l’objet de ce cours.
Une science et une médecine amnésiques au sujet de leur propre histoire risquent d’oublier toute modestie. L’histoire de la médecine et des sciences biomédicales, telle que nous la concevons, sert à cultiver l’humilité, la prudence et la réflexion éthique chez le médecin et le scientifique.
L’éthique médicale doit s’enraciner dans les pratiques réelles du présent et du passé. Une éthique médicale amnésique ou une bioéthique sans connaissance du passé des disciplines qu’elle est sensée guider, risque de se transformer en discours déclamatoire très abstrait et largement velléitaire.
Un cycle sera également consacré à l’histoire de la médecine scientifique, de « La naissance de la clinique » à l’histoire des « essais cliniques », en passant par la médecine de laboratoire.