Dans les années 70, la psychanalyse imposait dans les milieux psychiatriques et intellectuels ses concepts et sa compréhension des troubles mentaux. Le rôle de l’enfance s’avérait primordial pour expliquer les symptômes de l’adulte. La névrose était une affection psychogène. Les symptômes manifestaient symboliquement les conflits psychiques, refoulés dans l’inconscient, et plongeant leurs racines dans l’histoire infantile du sujet. La psychose ou l’autisme, de phénomènes à classer, devaient enfin acquérir du sens avec la psychanalyse. On pouvait quasiment qualifier la psychanalyse de discours dominant envahissant toute la culture intellectuelle de l’époque, auquel il était difficile d’échapper et où les récalcitrants devaient justifier de leur « résistance » incongrue. Vingt ans plus tard, aux États-Unis, la psychanalyse devient « has been ». Elle est évincée par une nouvelle psychiatrie biologique, qui préfère les classifications statistiques du DSM et le Prozac. Désormais, la psychiatrie va investir tous ses efforts pour expliquer les troubles mentaux par la neurobiologie, la neurochimie et la génétique. En somme, nous avons assisté en une vingtaine d’année à un basculement complet du discours dominant de la psychiatrie.
Ce mouvement de pendule dans l’histoire de la psychiatrie n’est pas nouveau. Aux 19ème & 20ème siècles, on constate la coexistence et l’alternance, parfois pacifique, parfois « mixée », parfois clairement conflictuelle de deux paradigmes: le modèle de la psychogenèse, initié à la fin du 18ème siècle par des aliénistes qui voient dans les maladies mentales des « troubles de l’âme » (qualifiés de Psychiker en zone germanophone), tel. Heinroth, titulaire de la toute 1ère chaire de « thérapie psychique » (1811), et le modèle organique ou biologique des Somatiker magistralement résumé par le slogan médical « les maladies de l’esprit sont des maladies du cerveau »). À l’heure du positivisme triomphant des « sciences de la nature », les aliénistes voulaient remplacer la philosophie morale par le microscope, pour arrimer la psychiatrie à la science médicale. Ils s’imposeront dans les chaires des facultés et les revues. Après une éclipse d’un demi-siècle des Psychiker, le paradigme de la psychogénèse ressuscite à la fin du 19ème – début 20ème, avec la psychanalyse freudienne et ses émules (tel C.G. Jung qui reviendra à plusieurs reprises sur la « psychogénèse des maladies mentales ») et poursuivi par d’autres courant de la psychologie et d’autres formes de psychothérapies (par exemple l’école de Palo Alto et sa théorie de la « double contrainte »).
Nous allons nous intéresser ici à quelques unes des thérapies de la psychiatrie biologique. En sortant les psychiatres du marasme du nihilisme thérapeutique, elles ont fait naître bien des espoirs. (PAS FINI).
Quelques lectures:
Thierry Vincent, La psychose freudienne. L’invention psychanalytique de la psychose, Hypothèses, 2009
Cours : Histoire des thérapies de la psychiatrie biologique (1900-1950)